Trame noire : comment le smart lighting participe à la continuité écologique ?

Mardi 8 novembre 2022
Trame noire : comment le smart lighting participe à la continuité écologique ?

A l’instar de ses homologues verte et bleue pour, respectivement, les animaux diurnes et aquatiques, la trame noire s’inscrit dans une démarche de protection de la biodiversité dans les espaces urbains. Elle est le fruit de concertations pour lutter contre la pollution lumineuse qui perturbe la faune et la flore et réinstaurer des reversoirs et corridors écologiques pour les espèces vivant essentiellement la nuit. Les collectivités locales doivent dès lors composer entre un éclairage public de qualité sur leur territoire et le respect des exigences relatives à la trame noire. Le smart lighting apparait dès lors comme la solution idéale pour concilier les deux.

Qu’est-ce que la trame noire ?

Genèse

En 2007, les politiques se sont intéressés à la biodiversité en créant la trame verte et bleue, une démarche visant à restaurer les réseaux de milieux naturels (ensemble de reversoirs de biodiversité reliés entre eux par des corridors écologiques) permettant ainsi aux humains et à la faune de circuler et d’interagir. Si, peu de temps après, une loi de 2010 avait mis en place des mesures pour lutter contre la pollution lumineuse, cette fois, il aura fallu attendre 8 ans pour que le Gouvernement publie l’arrêté d’application du 27 décembre 2018 fixant les règles relatives à la prévention, la réduction et la limitation des nuisances lumineuses. Ces dernières sont en effet responsables du changement de comportement des animaux et des insectes vivant la nuit. La lumière artificielle a pour conséquence de fragmenter leurs habitats naturels :

  • Soit en les repoussant (notamment les chauves-souris) ;
  • soit en les attirant vers des endroits qui se transforment en pièges mortels ;
  • soit en perturbant leur cycle de reproduction.

Désormais, la pollution lumineuse n’est plus l’apanage des scientifiques. Les collectivités, les éclairagistes et les urbanistes mettent cette problématique sur le devant de la scène et entament les démarches pour identifier les trames noires.

Trame noire : une démarche pour lutter contre les nuisances lumineuses

Il s’agit d’un outil de planification portant sur la protection des reversoirs et des corridors écologiques nocturnes et les mesures à prendre pour gérer l’éclairage artificiel comme les mesures spatiales (densité et positionnement des points lumineux), les mesures temporelles (durée d’éclairage, extinctions nocturnes) et les mesures génériques à l’échelle des luminaires (composition de la lumière, ULOR27, orientation, types de lampes, puissance, etc.).

Trame noire : une application encore timide sur le territoire français

En France, des territoires ont adopté la démarche en menant des séries d’expériences pour visualiser les frictions entre la lumière des espaces urbains et les corridors écologiques. Le Parc national des Pyrénées a notamment œuvré de concert avec les syndicats départementaux d’énergie pour accompagner les collectivités locales dans l’application de bonnes pratiques au regard de leur éclairage public dans certaines zones susceptibles de nuire à la biodiversité.

La métropole lilloise s’est également emparée du sujet et a sorti une étude dans laquelle elle met en avant une série d’étapes pour mettre en place la trame noire :

  1. Diagnostic
  2. Identification du réseau écologique
  3. Identification des zones de conflits entre le réseau écologique et l’éclairage nocturne
  4. Plan d’action
  5. Processus de suivi

Néanmoins, l’étude rapporte que cette méthode ne saurait être gravée dans le marbre et doit être mise en perspective, au regard des exigences écologiques de la faune et de la flore étudiées. Elle constitue malgré tout une base devant être alimentée par des « recherches scientifiques interdisciplinaires pour inclure sur le long terme les chercheurs et sur le court terme les constructeurs de l’éclairage ».

La région Occitanie, quant à elle, propose une cartographie de la pollution lumineuse sur sa région afin de sensibiliser et mobiliser les parties prenantes sur les conséquences de l’éclairage public. En superposant des couches de continuités écologiques régionales et en les croisant à la carte régionale de pollution lumineuse, elle réussit à montrer les zones de conflits avec les espaces où la présence humaine est forte comme la métropole de Toulouse. Ces résultats servent ainsi de fondements pour discuter des leviers que la collectivité doit mettre en place pour concilier les enjeux de sécurité et de confort pour ses habitants et les enjeux biologiques.

Trame noire et smart lighting : conjuguer protection de la biodiversité et besoins humains

Depuis une dizaine d’années, les communes pratiquent de plus en plus la coupure de l’éclairage public la nuit, dans un soucis de réduction de la facture d’électricité. Si cette pratique présente une véritable valeur ajoutée en réduisant de presque 50 % la consommation d’énergie, il n’en demeure pas moins que, sur le plan écologique, elle n’a pas l’impact escompté si elle n’est pas réalisée au bon moment. En effet, certaines espèces nocturnes sont en pic d’activité en début ou fin de nuit, au moment où l’éclairage public est encore allumé.

C’est pourquoi, opter pour une gestion intelligente de l’éclairage répondrait de manière plus efficace aux exigences biologiques. En dotant le parc de candélabres de capteurs permettant un pilotage à distance ou une détection des présences, les collectivités locales concilient les besoins et le confort des habitants (passage de piétons, voitures, cyclistes, sentiment de sécurité…), les enjeux économiques (réduction de coût) et évidemment les enjeux environnementaux. Le choix de LED est également un objet de discussions pour le respect de la biodiversité. En effet, lorsqu’elles diffusent une lumière blanche voire bleutée, plus confortable pour le confort des citoyens et l’indice de rendu de couleur (IRC), elles émettent des longueurs d’onde bleues auxquelles réagissent certaines espèces et qui impactent négativement les espèces crépusculaires. C’est pourquoi l’arrêté sur les nuisances lumineuses du 28 décembre 2018 prévoit que la température de couleur des LED ne dépasse pas la valeur maximale de 3 000 K afin de limiter l’émission d’onde bleues.

Aujourd’hui, la trame noire n’est pas réglementée mais les collectivités locales commencent progressivement à la prendre en compte en développant une gestion intelligente de leur éclairage public, respectueuse de l’environnement.

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