Interview : comment Rennes Métropole est devenue pionnière de la gestion des données territoriales ?

Lundi 26 mai 2025

Première collectivité de France à se lancer dans l’open data, Rennes Métropole est experte dans la gestion des données territoriales et leur valorisation. Une stratégie construite pas à pas, qui entre aujourd’hui dans sa phase industrielle. Pierre Renault, Chef de projet data à Rennes Métropole, revient sur ce choix gagnant dans une interview pour Sogetrel.

 

Le territoire de Rennes Métropole est souvent cité comme pionnier dans la gestion des données territoriales…

Rennes a toujours été en pointe dans le domaine numérique. La première maquette 3D du territoire a tout de même été construite en 2000 ! Nous avons été dès 2010 les premiers à ouvrir nos données et parmi les premiers à nous doter d’un jumeau numérique. Au fil des années, les initiatives et les développements se sont succédés, qui ont confirmé la volonté de Rennes Métropole de partager des données d'intérêt général dans le but de faire émerger de nouveaux services publics numériques pertinents, fiables, sécurisés et accessibles au plus grand nombre. C’est dans ce sens qu’a été créé en 2018 le Service public métropolitain de la donnée (SPMD) et, deux ans plus tard, avec le soutien de l’Union européenne, la plateforme RUDI (Rennes Urban Data Interface). Il y a là une posture politique assumée. Avec un effectif de 40 personnes, nous disposons d’un service territorial dédié à la gestion des données, en capacité d’innover et de porter de grands projets. 

Comment se bâtit une stratégie de gestion des données territoriales à l’échelle d’un territoire qui compte 43 communes et 475 000 habitants ?   

Nous avons toujours avancé pas à pas, de manière itérative, en commençant par trois communes. Il y a huit ans, le territoire a misé sur le protocole LoRa - là aussi, il était précurseur. Le premier cas d’usage déployé a été la gestion des bâtiments à Saint-Sulpice-la-Forêt. La gestion des déchets a été le suivant et il a permis au réseau de se déployer sur l’ensemble du territoire métropolitain. Il y a encore quelques années, les capteurs de télérelève des bornes d’apport volontaire (BAV) communiquaient via GSM, ce qui nécessitait un abonnement annuel pour chaque capteur et augmentait de façon substantielle les coûts de fonctionnement d’un système à grande échelle.

Lors du renouvellement du marché de télérelève des BAV, en 2018, la Direction des Déchets et des Réseaux d’Énergie de la Métropole s’est posé la question de l’utilisation du réseau LoRa métropolitain. C’est cette réflexion qui a amené la Métropole à étudier et valider la pertinence d’un déploiement sur tout le territoire d’un réseau mutualisé par les divers cas d’usage. Nous avons avancé compétence par compétence : après la gestion bâtimentaire, les déchets, puis les îlots de chaleur urbains, l’humidité des sols…

“Objectif : construire sur dix ans un plan de pérennisation du réseau”

Et aujourd’hui, quelles sont les ambitions de Rennes Métropole ?

Depuis le 1er janvier 2025, nous sommes passés en mode industriel, avec pour objectif de construire sur dix ans un plan de pérennisation du réseau autour des grandes verticales métier que sont l’éclairage public, les déchets, la gestion de l’eau, la gestion technique des bâtiments, l’assainissement. Nous nous sommes appuyés sur une assistance à maîtrise d’ouvrage et avons retenu un scénario médian qui évalue à 57 000 le nombre de capteurs d’ici 2030.

Quels sont les atouts de la technologie LoRa ?

 

D’abord, c’est une technologie sobre, sécurisée et ouverte. Nous avons pour notre part choisi de porter notre réseau en propre. Il y a toujours eu au sein de la collectivité la volonté de ne pas dépendre de systèmes propriétaires et de garder la pleine maîtrise des modèles. Qui dit technologie maîtrisée et mutualisée dit coûts d’investissement et de fonctionnement minorés.

 

“Une économie des coûts de 

2 millions d’euros par an”

 

L’estimation des coûts évités tourne autour de 2 millions d’euros par an avec l’arrivée de l’éclairage public, la présence des déchets et la potentielle arrivée de l’assainissement. Mais au-delà de ce critère économique, le déploiement et le pilotage d’un réseau par la collectivité et pour la collectivité offre aussi la garantie d’une couverture adaptée aux besoins spécifiques du territoire.

L’amélioration du travail des agents de la métropole et des acteurs publics utilisateurs de la métropole fait-elle partie de ces besoins ?

 

Bien sûr, même si ce bénéfice est inégalement mesurable. Le cas d’usage le plus emblématique est sans doute la télérelève de l’eau, puisqu’elle évite aux agents de la CEBR (Collectivité des Eaux du Bassin Rennais) de se déplacer chez l’habitant pour effectuer une relève manuelle ou de sillonner les rues avec un véhicule équipé d’un système radio. Pour les personnels concernés, cela se traduit par une montée en compétences dans une filière numérique de gestion de l’eau extrêmement porteuse. C’est donc un vrai plus en termes d’employabilité.

L’exploitation de la donnée a également des impacts intéressants pour les personnels travaillant sur la gestion bâtimentaire dans les petites communes : on a pu constater qu’accompagner les agents de catégorie C dans la maîtrise des outils digitaux permet de réduire les situations de fracture numérique.

Le déploiement de l’IoT est aussi un vrai plus pour les conseillers en énergie partagée au sein de l’Agence locale de l’énergie et du climat du Pays de Rennes (ALEC), qui vont disposer de données beaucoup plus fines pour accompagner les communes dans leur trajectoire énergétique. Mais nous avons également dû faire face par endroits à certaines réticences. L’utilisation de ce type de technologie demande un accompagnement au changement des pratiques des agents concernés, surtout quand les systèmes précédents étaient là depuis plus de dix ans.

 

Comment travaillez-vous avec Sogetrel ?

 

Pour aider les communes dans leur gestion bâtimentaire, la métropole a développé une offre « clé en main », dont Sogetrel a remporté le lot portant sur toute la partie capteurs. Son rôle consiste à accompagner les communes dans la définition de leurs besoins, réaliser l’installation des capteurs, le suivi et la maintenance. Mais nous avançons également avec Sogetrel sur d’autres sujets, comme celui de la gestion des crues, sujet très sensible à Rennes qui a récemment été touché par des pluies torrentielles. Nous réfléchissons notamment ensemble sur la simplification de l’intégration et de la mise en œuvre des cas d’usage sur le réseau. Avec, en creux, toujours ce même objectif : maîtriser la donnée pour améliorer la qualité du service rendu aux citoyens.

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