Comment l’IA deviendra incontournable dans la vidéosurveillance ?
Selon un rapport de la société mondiale de conseil en marché technologique, ABI Research, plus de 350 millions de caméras de sécurité seront dotées d’une puce d’intelligence artificielle (IA) d’ici 2025. Cela concernera environ 65% des appareils de vidéosurveillance déployés dans le monde. Si cet essor de l’IA semble être une bonne nouvelle pour le volet sécuritaire des smart cities, en est-il de même pour la protection des données privées ? Comment la vidéosurveillance intelligente peut-elle aider les collectivités publiques ? Décryptage.
Vidéosurveillance et IA : fonctionnement
L’intelligence artificielle dans les caméras de vidéosurveillance utilise le deep learning (DL – apprentissage profond), un réseau neuronal d’algorithmes, sous-catégorie du machine learning qui se base sur l’apprentissage automatique.
D’année en année, le Deep Learning gagne en maturité et réussit à détecter des formes malgré une luminosité défaillante ou de la végétation qui dépasserait. Cette technologie réussit également à faire le tri entre toutes les informations qu’elle reçoit, pour ne conserver et n’analyser que les plus importantes. Les caméras dotées de l’IA réussissent à hiérarchiser les informations d’une détection, par exemple, et à faire remonter les flux de données au poste de surveillance qui analysera la situation et prendra les décisions adéquates.
Vidéosurveillance et IA : quels avantages pour les collectivités publiques ?
La vidéosurveillance répond dans un premier temps à un objectif de sûreté régalienne.
Grâce à l’IA, il est désormais possible de détecter des comportements ou des agissements qui paraîtraient inhabituels depuis des caméras de vidéosurveillance ou bien de reconnaître des personnes ou des objets automatiquement. La municipalité de Libourne, par exemple, a implanté l’IA sur ses caméras de vidéosurveillance. Depuis son centre de supervision urbain (CSU), il est ainsi possible d’analyser le flux des images et le nombre de personnes dans un endroit. « Nous pouvons aussi configurer le logiciel pour avertir en temps réel les opérateurs de certaines situations difficiles », explique son maire, Patrick Buisson. Suresnes s’est également emparée du sujet en voulant tester l’IA sur son réseau de caméras dômes.La ville se concentre sur la détection de comportements suspects, en paramétrant en amont le système avec un agent du CSU. Dépôts sauvages, infractions routières graves, rassemblement de personnes, stationnements irréguliers, tentatives d’intrusion, vol de voitures, gestion des déchets et amélioration des mobilités par la gestion du trafic, sont autant d’exemples de comportements suspectsd’après Guillaume Boudy, maire de Suresnes.
Mais la vidéosurveillance intelligence ne doit pas simplement être limitée au volet sécuritaire. Les caméras peuvent être connectées aux systèmes de gestion des trafics dans les villes et ainsi aider les municipalités, entre autres, à :
- Produire des statistiques ;
- Compter le trafic cycliste sur les pistes cyclables les plus fréquentées ;
- Modifier le plan de circulation ou l’alternance des feux tricolores.
Elle peut également :
- Adapter l’éclairage public dans certaines zones ou selon l’affluence des citoyens ;
- Déclencher les alarmes en temps réel ;
- Repérer les dépôts sauvages de déchets.
Vidéosurveillance et IA : quels enjeux juridiques ?
Le déploiement massif de la vidéosurveillance dans les villes, associée à l’IA, n’est pas sans attiser les craintes des citoyens, qui peuvent y voir une atteinte supplémentaire à leurs libertés individuelles. L’exemple de la Chine, qui utilise son réseau de caméras couplé à la reconnaissance faciale pour noter ses habitants, n’est d’ailleurs pas s’en rappeler les plus terrifiants films dystopiques…
Pourtant la France est loin de passer le cap d’un pays où seuls les mieux notés pourraient accéder à certains lieux publics. Non seulement parce qu’elle est le pays des libertés mais aussi – et surtout- parce qu’elle se plie aux dispositions du RGPD et qu’elle rend des comptes au défenseur suprême des libertés individuelles : la CNIL.
La Commission est vigilante sur l’utilisation des systèmes de vidéosurveillance utilisant l’IA dans l’espace public et dans les entreprises. A ce titre, elle a lancé une concertation publique* se terminant le 11 mars 2022 appelant les parties prenantes à s’exprimer sur le recours aux caméras « intelligentes » dans les lieux publics. Elle avait déjà alerté les autorités publiques sur le recours massif à ce type de caméras au moment de la crise sanitaire (contrôle des masques dans les métros) et avait estimé qu’elles modifiaient « leur nature même par leur capacité de détection et d’analyse automatisée ». Elle rappelait également qu’aucun texte n’encadrait à ce jour l’utilisation de caméras intelligentes et insistait sur la nécessité d’en créer un en complément des dispositions du RGPD. Sur le sujet, le règlement européen prévoit déjà que :
- La nécessité et la proportionnalité de ces dispositifs de vidéo intelligente doivent pouvoir être démontrées (article 32 du RGPD).
- La durée de conservation des données récoltées doit être limitée.
- Des mesures de pseudonymisation ou d’anonymisation doivent être prises.
- Il ne doit pas y avoir de suivi individuel.
- Les responsables du traitement sont tenus de mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles qui garantissent le respect de tous les principes de protection des données pendant le traitement et qui prévoient des moyens permettant aux personnes concernées d’exercer leurs droits (articles 15 à 22 du RGPD).
Sous réserve qu’elle n’entraîne pas de dérives pas comme on peut le constater en Chine, la vidéosurveillance associée à l’IA devrait progressivement faciliter la vie des habitants des villes, bien qu’étant seulement à ses débuts. Si les pouvoirs publics garantissent que les données récoltées servent à l’intérêt commun sans empiéter sur les libertés individuelles, la vidéosurveillance intelligente poursuit l’objectif de la smart city.
*Les conclusions de cette concertation ne sont, à l’heure où nous écrivons ce texte, pas encore sorties.
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